Les jeux avec balise [SECONDE CHANCE] sont des jeux rétros auxquels j'ai joué gamin, mais que j'ai lâché trop vite pour me faire un vrai avis. Alors j'y retourne un peu pour voir ^^
Vagrant Story (PlayStation, 2000)
La découverte, la passion éphémère et l’oubli prématuré.
Vagrant Story doit représenter le dernier grand titre que j’ai vu tourner sur cette brave PS1. J’ai regardé mon meilleur pote se le farcir de bout en bout à chaque fois que j’allais chez lui. Je le suppliais de m’attendre pour progresser dans l’histoire, mais il n’arrivait pas toujours à respecter mon souhait, tellement il était accro. Du coup j’ai raté quelques passages, mais ça ne m’a pas empêché de trouver ce jeu totalement génial. Bien avant que tous les nostalgiques maladifs comme moi se targuent d'avoir touché au graal suprême durant leur enfance, j'avais compris que je tenais là un jeu mythique. Malgré tout, à l’époque, je l’ai trouvé si gargantuesque que je n’ai pas eu la force de me lancer dans l’aventure moi-même. Quand mon pote l’a terminé, il a donc rangé la boîte et on a tourné la page. Aujourd’hui, quand je revois ce titre qui apparaît dans beaucoup de tops PlayStation of all time, je me sens tout con de n’en avoir qu’une connaissance très superficielle. Pourquoi avoir succombé à cette flemme insupportable qui m’a dissuadé de tester cette légende de la console ? Pour au final rester bloqué sur les mêmes jeux PC de l’époque (tout aussi cool au demeurant, vu qu’on parle de
Diablo II ou de
Heroes of Might and Magic III). J'avais bien fait une exception pour
Legend of Kartia ! Un tout petit effort aurait suffi là-aussi ! Mais bouge-toi un peu des fois, mon ancien moi des années 2000 que ça ne sert à rien de houspiller puisqu'il fait partie d'un passé révolu et qu'on n'est pas près de savoir remonter le temps, et encore moins pour se parler à soi-même à propos d'un vieux CD-ROM de Square !

Réappropriation du jeu
Bon là, j'annonce d'emblée que je vais rendre un compte rendu qui n'arrive pas à la cheville de ce que mérite ce jeu. Je suivais la progression de mon pote comme les gamins boivent les paroles de Père Castor, mais lui-même ne comprenait pas tout ce qu'il faisait. On avançait à tâtons, et même si j’engrangeais chaque info avec avidité, je n'ai acquis qu'une vision très parcellaire de toutes les features qui composent ce chef-d’œuvre. Un truc que je peux annoncer sans raconter nawak : c'était aaaaarchi beau ! Pour de la 3D pourrave à dix polygones par modèle et 64 pixels par texture, ça envoyait de ouf !
FF VIII pouvait se rhabiller.
Bloody Roar 2 aussi, dans un genre qui n'a rien à voir. Ça ne proposait pas de décors grandioses en statique, mais peu importait, tant le reste tenait la route. Du reste, je trouvais le scénario ultra compliqué et tortueux, mais dans le sens où l'histoire me paraissait génialement stylée. J'en ratais la moitié quand mon pote jouait sans moi, ça ne m'a pas aidé pour la compréhension, avec ces différents camps aux ambitions diverses qui s'affrontent au cœur d'une cité hantée. J'aimais bien notre personnage, un solitaire pour une fois, pas espiègle relou comme Justin dans
Grandia, pas dépressif chiantissime comme Squall dans
FF VIII… Juste un aventurier concentré sur son truc, pas emmerdé par ses hormones ou son melon démesuré. Ouah, ça faisait du bien, d’incarner un mec fade et rabat-joie comme lui ! OK, notre héros, Ashley Riot, se la racontait un peu quand même parfois, mais ça passe. Enfin, en tant que soldat d'élite du roi, il a tenté de mettre au jour un complot plutôt bien ficelé visant un duc quelconque, et dont il va se retrouver accusé à la fin du trailer d'intro. Mais pas pendant notre partie, vu qu'elle se déroule avant l'intro. Oui c'est bizarre.

Heureusement, il aime bien la bagarre, Ashley. Et nous aussi. Et les développeurs aussi, manifestement. La bagarre un peu plus compliquée que la moyenne. Le système mélange le temps réel et barre d'initiative, à peu près quoi. Les ennemis nous tapent plus ou moins vite, et à nous de faire notre affaire avant d'avoir trop mal. Ceux qui savent ont comparé ça à Parasite Eve. Moi je sais pas, alors… Au début ça va tranquille, évidemment. On se débarrasse de chauves-souris du revers de la main, ainsi que des soldats qui n'auraient jamais dû faire ce métier. Ensuite, ça se corse assez vite. Il devient alors important de comprendre comment occasionner plus de dégâts, tout en s'en prenant moins. On peut équiper une arme et diverses pièces d'armure, d'accord. Les armes appartiennent à une classe spécifique : tranchante, perçante et contondante. OK ! Jusque-là, ça va encore. Il faut aussi prendre en compte leur matériau, puis leur affinité face à telle type de cible (humain, animal, fantôme… etc.). Affinité qui évolue au fil des combats : en fonction de ce qu’on tape pour les armes, et de ce qu’on encaisse pour les armures. Euh… allez j'arrive encore à suivre. Les plus gros farmeurs n'hésiteraient pas à se garder une arme efficace contre chaque type de bestiole. Mais reste encore à déterminer à quel endroit on frappe le monstre qui veut nous manger ! La tête ? Le bras gauche ? L'aile droite, le bout de la queue, ou la molaire du haut, juste avant la dent de sagesse ? Et si on se trouve plus haut que lui, ou plus bas ? Et la jauge de Risk, alors ? Cette valeur qui monte à chaque coup que l'on porte, ce qui augmente nos dégâts, mais diminue nos chances de toucher et notre défense, au point qu'une valeur trop haute nous rend potentiellement tuable d'une pichenette, et incapable de tabasser qui que ce soit. Ouais, ça la fout mal pour un… Riskbreaker comme Ashley ! Autre feature : le chain. Pour peu que l'on appuie sur les touches de la manette avec le bon timing, notre avatar enchaîne les coups à l'infini, sans possibilité pour les méchants d'intervenir ; du moins tant que l'opposant que l'on maltraite ne rende l'âme, ou que la jauge de Risk ne soit pas montée trop haut. Ajoutons à cela une bonne dose de sortilèges à usages divers : dégâts directs selon un type d'élément, buffs et débuffs de toutes sortes, guérison… la magie sert aussi à modifier les affinités de notre arme face aux bestioles que l'on rencontre, histoire d’outrepasser certaines données relou du système de combat. On peut calmer notre jauge de Risk aussi, nous évitant ainsi de poireauter sans rien faire pour la laisser descendre de manière naturelle. Un peu dommage pour un… Riskbreaker ! Hein Ahsley !

Qui dit RPG, dit craft d'objets. J'avais pas encore dit que c'était un RPG ? Ah oui tiens. Peut-être parce qu'on ne progresse pas tout à fait de manière classique, avec points d'expérience et niveaux, tout ça. La plupart de nos compétences évoluent en fonction de ce qu'on fait, de comment on tape et de quelle magie on utilise. Ce que je trouve carrément mieux, en fait. Mais je reviens au craft. Vagrant Story permet de combiner à peu près n'importe quoi avec tout le reste. Fusionner des épaulettes en cuir avec une hallebarde en fer ? Possible. Combiner des bottes de bronze avec un casque d’argent ? Oui monsieur ! Aucune garantie d'obtenir un machin potable, par contre. On adorait le crafting, mon pote et moi, mais on n'y captait absolument rien. On voyait bien que ça respectait un schéma précis (encore que…), mais de là à deviner le fonctionnement exact sans lire le bouquin de soluces de quatre cent cinquante pages, ou sans lire le wiki dédié au jeu (qui n’existait pas du tout à l’époque, bien sûr), bah non. J’ai bien eu envie de comprendre et expliquer le système en détail ici, mais quand j’ai commencé à lire quelques passages du dit wiki, je me suis senti happé par cette étrange sensation de frénésie procrastinatoire. J’ai eu peur d’y perdre de précieuses heures de ma vie, les heures se changeant en jours, puis en semaines. Alors j’ai vite fermé le navigateur internet et débranché la box. J’ai aussi cramé le réseau 4G de mon quartier, par précaution. Tout ça pour dire qu’on essayait de forger nos objets avec le meilleur métal possible, alors qu’on ne savait même pas lequel valait mieux que l’autre (on pensait le Hagane le plus précieux de tous, donc forcément…). Gardez juste en tête qu'une arme se démonte en deux morceaux, le manche et la lame, qu'il existe quatre pièces d'armure différentes, une petite place autour du cou pour un collier magique, et que sur chacun de ces objets, on peut sertir une gemme ! On flirte avec le niveau de détail d'un hack'n slash, un gameplay action-RPG en plus.

Quoi d'autre ? Des dizaines de trucs. Le gain aléatoire de stats après chaque victoire contre un boss, le gain de compétences aussi, les break arts, qui agissent comme des sorts mais en coûtant des points de vie, les consommables par besaces entières, les énigmes à résoudre en portant des caisses en bois, l'encyclopédie dans le menu qui recense les créatures déjà affrontées, avec leur statistiques et tout… ce jeu regorge de contenu. Mais ce que j'ai préféré plus que tout (sauf le crafting peut-être), tient à l'ambiance, comme souvent. Si les dialogues sont plutôt bien mis en scène, ils se passent pour la plupart en dehors du scope de notre Ashley préféré. Le Riskbreaker le plus cool du monde vit son périple en huis clos, dans des espaces étroits, des tunnels sales et ténébreux. Cela rappelle les heures les plus sombres du genre dungeon crawler ; à prendre pour un compliment pour les personnes qui se sentiraient concernées. Même quand il traficote ses objets, il le fait en solo, le gars ; sans forgeron ou enchanteur qui traîne dans ses pattes. En tout cas, j'ai adoré cette atmosphère à couper à la rapière, qui se démarque de
FF VIII, ou même
FF Tactics, pour ne citer que des jeux Square d'à peu près la même époque (et pour lesquels je peux caser une réf bien lourdingue). On se promène dans une forêt ou dans les rues de la ville aussi (pas seulement dans ses souterrains, quoi), mais le level design reste dans la même veine, à base de galeries et de dédales. Et j'ai trouvé ça bien. Tiens, un autre truc que j'ai trouvé bien : la ville serait inspirée de Saint-Émilion, le village médiéval pas loin de Bordeaux, là. L'un des gars ayant bossé sur Vagrant Story avait fait un peu de tourisme là-bas, en tant que respectable amateur de pinard. Et voilà, il a insisté pour modéliser Léa Monde un peu comme Saint-Émilion. OK ! Désolé ! C'est pas l'anecdote de l'année. Bref ! L'ambiance déboîte ! Encore plus quand les monstres que l'on rencontre nous gratifient de leur borborygmes toujours un peu dégueu. De même, leurs crissements quand ils crèvent procurent de petits guilis de satisfaction dans le ventre.

Nouvelle plongée dans l’OST
Hitoshi Sakimoto. Un grand nom du milieu musical vidéo ludique.
FF Tactics, Ogre Battle, presque tous les jeux Vanillaware, dont le magnifique
Muramasa, et tout plein d'autres projets non moins respectables. J'avais assez peu de souvenirs de la B.O. de Vagrant Story, jusqu'à ce que je remette des images sur les compos. Autant certaines ne se démarquent pas franchement des stéréotypes parfois du JRPG, autant d'autres gravent bien leur empreinte dans nos oreilles. C'est juste que la musique ne joue pas tout le temps, parfois pour mieux laisser les sons d’ambiance nous glacer le sang. Comme je n'ai pas habité chez mon pote pendant qu'il se farcissait le jeu (même si j'aurais bien aimé), j'ai raté plein d'occases de me laisser envoûter par cette OST au final assez éclectique. Mais dès que j'ai de nouveau entendu les espèces de rires démoniaques et étouffés dans Climax of the Grayland Case, mon cerveau m'a remercié avec une bonne dose de nostalgicine (l'hormone sécrétée par la bonne nostalgie, comme chacun sait). Globalement, toute mélodie ou arrangement un peu flippant dans ces morceaux m'ont fait un bien fou, ce qui est probablement très bizarre en soi. Mention spéciale à Abandoned Mines Level 1, et ses sonorités éthérées à la fin, qui m'ont refilé de délicieux frissons d'angoisse, alors même que je le trouvais devant mon ordi, dans l'open-space du boulot, à galérer sur un sujet un peu compliqué. Ça ne m'a pas rendu plus efficace, mais j'ai passé un meilleur moment que prévu.
Vagrant Story - Abandoned Mines Level 1
Regrets ou pas ?
Dans un monde parallèle où j'aurais vraiment refait dans leur intégralité toutes les tueries découvertes durant mes jeunes années, Vagrant Story figurerait dans le top 3 en termes de priorité absolue. Et tant pis j'ai déjà dit ça pour au moins trois autres jeux ! Y en a un qui dégage dans le tas ! Dans le monde réel, où j'ai préféré tout garder dans ma tête et ne rejouer à presque rien, ce titre trône donc sur le podium de mes plus grands regrets. Je n'ai qu'à y remédier, en même temps. C'est pas les moyens qui manquent de remettre la main dessus (et je ne parle pas de l'acheter huhuhu). Ajoutons ça à la pile de trucs à faire, mais que je ne ferai jamais. Entre le tronçonnage du noisetier mort dans le jardin, et le décapage du velux dans l'escalier. Apparemment, le jeu n’a pas connu un succès retentissant, car volontairement mis un peu de côté par Square. Il fallait laisser de la place aux autres gros bonnets du moment. Lesquels en vrai ? Qui peut se targuer de flex plus fort que Vagrant Story en 2000 ? Étrange de s'auto-saborder comme ça. Les fans réclament un remake depuis des années, sans perdre une miette d’espoir, malgré le temps qui passe sans la moindre bonne nouvelle à déclarer. De mon côté, je propose plutôt un remake de ma propre existence ; je pourrais sauter à pieds joints dans les bottes d'Ashley Riot avec les conditions de l'époque, tout seul, en mettant un coup de tête à ma passivité. Avec un peu de chance, je la mettrai dans le coma pour l'éternité. Mais trêve de spéculation sur le multiverse vidéoludique, faut que j'aille couper un arbre. Oh et puis non, je le ferai demain.
