Bloody Roar 2 : Bringer of the New Age (PlayStation, 1999)

La découverte, la passion éphémère et l’oubli prématuré.
J’ai joué à Bloody Roar 2 exactement une seule fois, avec le voisin qui habitait à côté de chez mon père. Comme je le voyais au mieux une fois tous les deux mois en vacances, on avait toujours une autre tuerie à faire découvrir à l’autre lors de nos rencontres, et on ne rejouait jamais aux jeux déjà testés avant. Bizarrement, parmi tout ce que le gars m’a montré, seul celui-là m’a laissé un goût de trop peu. J’ai toujours eu envie de replonger dedans, mais impossible de trouver quelqu'un d’autre qui le possédait. On était encore tous matrixés par Tekken 3, de toute façon. L’acheter moi-même dans ce contexte ? Turbo suicide social ! Personne n’y aurait joué avec moi, et de toute façon la PlayStation de la maison ne m’appartenait pas, alors je réfléchissais trois mille fois avant de me prendre une nouvelle boîte. Allez, j'aurais toujours pu embarquer ma petite sœur dans l’aventure, comme pour Street Fighter EX plus Alpha ou Bomberman Party Edition. Mais c'était prendre le risque de me faire hurler dessus par notre mère et son père, m'accusant de vouloir corrompre sa perfection en la forçant à visionner des images d'une EXTRÊME VIOLENCE ! Du sang, des griffes, des crocs, des combattants garous ! Tout ce drama pour l'exploser sans challenge, en plus (sauf son respect, elle avait huit ans en 1999). J’y pense toujours régulièrement, à cette frustration de n’avoir jamais pu me familiariser avec tous ces animorphs belliqueux et très fâchés. Ma flemme aidant, j’ai attendu de nombreuses années avant de reprendre contact avec eux.

Réappropriation du jeu
Je ne connais pas la version arcade d'origine, seulement le portage sur PlayStation chapeauté par Hudson Soft, lorsque cette entreprise pétait encore la forme. Je glisse un petit mot sur le lore, toujours un peu marrant dès qu'on touche aux jeux de baston. Sur notre planète vivent donc des zoomorphes, en plus des humains normaux. Si j'ai bien compris, le premier jeu fait éclater au grand public l'existence des gens pouvant se changer en animaux. Et cinq ans plus tard, lorsque le second opus démarre, les tensions entre gens et X-Men zoomorphes sont telles qu'un conflit planétaire risque d'éclater. Un groupuscule anti humains mené par Magneto un tigre garou va s'opposer à des pacifistes avec pour leader Patrick Stewart un gros lion anthropomorphe. Et… bien entendu tout ce beau monde va se mettre sur la tronche sans aucune distinction ! Encore heureux. Au total, on nous propose une dizaine de combattants (onze en fait, mais le dernier n’est qu’un simple clone du méchant tigre en mode gentil). Pas ouf, même si techniquement, chacun d'entre eux existe en deux fois : version humaine et version animale. Mais point de voilage de face ici ! L'intérêt de Bloody Roar réside évidemment dans la classe que l'on dégage une fois transformé. Et la sensation de puissance qui en découle aussi.

Alors, le bestiaire se compose d'un loup (le Jin Kazama du jeu, clairement), un lion, deux tigres (Ryu et Evil Ryu), un caméléon (Yoshimitsu), un insecte (euh, encore Yoshimitsu ? ou Vega tiens), une taupe (Blanka), un lapin (Chun-Li), une chauve-souris (Nina Williams), un léopard (Julia Chang), et… euh, un genre de chat encore un peu humain, nommé demi-bête. Il restait encore plein d’animaux à faire, avant d’en inventer, pourtant. Contre toute attente, j'avais trouvé la taupe ultra satisfaisante à jouer. Il faut avoir soi-même administré des mandales avec ses énormes pattes griffues pour comprendre, je pense. L'insecte, j'appréciais beaucoup moins, alors que pourtant je les adore dans la vie. Dans les jeux vidéo ils me saoulent, voilà. Personne n'y peut rien. À noter qu’on le qualifie juste d’insecte, comme si on disait du gars qui se change en taupe qu’il se change en mammifère, quoi. Insecte à quatre pattes, d’ailleurs, de mieux en mieux. Bon, j'arrête de chouiner, je trouve les autres protagonistes plutôt réussis, à part peut-être la chauve-souris. Pourquoi c'est la seule à garder son corps de meuf sexy, mélange de Bayonetta et de Salma Hayek dans Une Nuit en Enfer (après métamorphose en vampire par contre) ? Pas de fourrure partout, pas de mini pattes postérieures, juste un physique avantageux avec des ailes, et un petit bout de tissu qui se balade juste là où il faut. Quoique très anguleux, le physique, PS1 oblige. Bon, un des producteurs devait avoir un kink bizarre, je ne vois que ça. J'abuse un peu, parce qu'à l'époque je trouvais le jeu vraiment joli, notamment au niveau des FX. Plus joli que Tekken 3 en tout cas.

Question gameplay, quoi de vieux ? Y a de la réactivité, de la lourdeur bien cool dans les coups, une caméra assez dynamique. Franchement ça vaaaaa. On accède à la métamorphose en remplissant une jauge via le tabassage de son prochain, et on redevient humain lorsque notre prochain nous a trop tabassé une fois transformé. Logique. Les guerriers et guerrières déploient un panel de quinze attaques spéciales, couronnées par un Beast Drive, une attaque dévastatrice (ça bouffe plus de la moitié de la barre de vie) en séquence animée uniquement disponible sous forme bestiale (et qui vide la jauge de transfo aussi, mais on s'en fout vu que l'adversaire est déjà parti à l'hôpital) ; le Beast Drive représente le gros ajout de Bloody Roar II par rapport au premier, et encore une raison supplémentaire de kiffer les versions garous de nos zoomorphes. Pas de quoi faire trembler l'ogre Tekken 3 et ses movesets interminables, mais il y a largement de quoi s'amuser un bon moment avec tout le monde. Surtout qu'ici aussi, chacun des personnages bénéficie de sa trame scénaristique dévoilée dans le mode histoire. Ça n'invente rien, ça sent (pas toujours) bon les nineties, leurs mectons ténébreux et tourmentés, leurs meuftonnes calculatrices ou potiches, mais toujours bien sexualisées pour ravir les pupilles des ados de l'époque. Même une fois changées en animal. Euh, quoi ? La léoparde a gardé ses boobs de… oh et puis merde.

Nouvelle plongée dans l’OST
La musique nous vient de Takayuki Neigishi, pas très actif dans le milieu du jeu vidéo, mais plutôt dans la compo pour des animés. Ça se ressent beaucoup d'ailleurs. Il produit du gros métal old school, qui sonne parfois comme un groupe des années 80 qui n’aurait pas eu trop de succès, mais la plupart du temps comme un générique d’animé à la notoriété modeste. Ça avait plutôt bien marché sur moi, il me semble, quoique je ne m'en souviens pas trop. J’aurais sans doute préféré entendre plus d’électro là-dedans, comme on en faisait si bien (ou pas) à la fin des années nonante (promis, première et dernière fois que j'écris ça). Aujourd’hui je réécoute ces œuvres, hum… avec pas mal d’indifférence. Tout se ressemble un peu, ça ne me paraît pas très inspiré. J'ai du mal à trouver un titre accrocheur là-dedans. Un grand nombre de critiques de l'époque mettent le doigt sur cette B.O. pas ouf. Pauvre Neigishi, il n'a pas dû gagner en confiance. Ça ne l'a pas empêché de réaliser l’O.S.T. du Bloody Roar suivant, remarque (et du premier aussi). J'imagine que ça reste cool à mentionner dans ses achèvements personnels. Peut-être que les morceaux de la version arcade ont reçu un meilleur accueil, faudra que j'aille voir à l'occase (spoiler : oui oui, beaucoup plus). Quand je commence une phrase par “faudra que…”, c'est mauvais signe. Bon alors, je prends laquelle ? Ça m'embête cette histoire de musique pas ouf ; j'ai pas envie de me moquer, mais je ne vais pas faire semblant de m'extasier non plus, quoi. Je précise quand même que ça gratte super bien la guitare, hein. Et ça appuie super bien sur les touches de synthé aussi. Mais toutes les compos répondent au même schéma de grosse intro, gros riffs mélodiques, gros bridge au synthé, gros riff encore et grosse conclusion. En gros (huhuhu). Surtout, absolument rien dans les morceaux ne me permet d’identifier l’animal associé. J’essaie, pourtant. Bon allez, faut bien que j’en choisisse un, le theme d’Alice, parce que j’aime bien son prénom. La tout de suite, je me sens ultra original à dire que j'aime bien le prénom Alice. Mais franchement à quel moment la musique fait penser à un lapin ? Même un lapin vénère ? Absolument aucun, me concernant.
Bloody Roar II - Theme of Alice
Regrets ou pas ?
Quand même, la honte de n'y avoir joué qu'une fois, nan ? Surtout que lorsqu’on me demandait durant mon adolescence à quels jeux de fight j’aimais jouer, je plaçais toujours Bloody Roar 2 dans la liste, contrairement à Dead or Alive par exemple (auquel je n’ai joué qu’une fois aussi). Cette franchise mérite mieux, même si elle n'a jamais pu inquiéter les énormes licences concurrentes, et qu’elle a dû abdiquer en 2003 (après avoir offert cinq jeux tout de même). N'empêche, maintenant que j'ai récupéré la vieille PlayStation de chez mon père, celle-là même qui avait fait tourner le CD-ROM de Bloody Roar II ce fameux jour où je l'ai testé, et qui fonctionne encore, il y a peut-être moyen de réparer cet affront. Bon, il faut que je rachète une télé cathodique aussi, et que je trouve le jeu. Tiens, je le vois à 249 euros sur internet, là. Neuf, d'accord. Mais vous êtes d’énormes tarés ! Je vais plutôt aller tondre la pelouse, passer le Kärcher sur la terrasse ou repeindre la chambre. En voilà du vrai divertissement ! Plus sérieusement, même si je ne joue presque plus du tout à tous ces jeux, quand je vois les grosses franchises de bagarre toujours présentes, ça aurait eu de la gueule de voir un Bloody Roar 9 ou 10 continuer à les titiller un peu. Je n’ose même pas imaginer les animaux ultra stylés qu’on aurait pu incarner. Ou les immondes daubes aussi, oui.
