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Ad Astra de James Gray raconte l'histoire d'un homme froid et distant qui va se rendre compte, tout au long du film, à quel point il est émotionnellement vulnérable. On ressent la solitude de Roy (Brad Pitt) qui est très vite pesante pour lui (et pour nous aussi spectateurs). Il est déconnecté du monde qui l'entoure et plutôt qu'intéragir avec les autres humains autour de lui, il préfère s'isoler. Il n'ose pas s'affirmer et être lui-même. Il cache ses émotions et on voit à quel point ça l'affecte fortement au final.
James Grey n'essaie pas de paraître plus intelligent qu'il ne l'est. Ad Astra n'est pas le 2001 l'odyssée de l’espace de James Gray, c'est plutôt du James Gray qui va dans l'espace, avec toutes les thématiques qui lui sont chères. C'est le voyage introspectif de Brad Pitt qui fait écho avec son voyage dans l'espace. On ressent sa solitude, sa soif de connaissance et son envie de repousser les limites de l'exploration spaciale ... à l'image de son père.
Le scénario est très simple, avec une narration linéaire et des enjeux explicites. On a un gars planqué dans une station spaciale sur Neptune, qui balance des jets d'antimatière responsables de millions de morts. Or, il s'avère que le gars est le père de Brad Pitt, qui est envoyé sur place pour l'arrêter. Je regrette néanmoins quelques raccourcis et autres facilités scénaristiques, mais ça, on y reviendra plus tard.
Le film explore plusieurs thématiques de science-fiction qui sont très intéressantes, avec les grandes tours de communication qui montent jusqu'à la stratosphère (aka la Tour de Babel), la station sur la lune (la fameuse chasse au rover est très cool) ou sur Mars ... même si ça ne va pas plus loin que ça et ça ne revolutionne rien. Mais à la limite, comme je vous l'ai déjà dit plus haut, ce n'est pas le propos du film et en réalité c'est largement suffisant.
Le propos du film, c'est de nous montrer que ça ne sert à rien d'aller chercher ailleurs ce qu'on a déjà autour de soi (parents, amis, femme et enfants). La famille est le thème le plus cher à James Gray et qu'on retrouve dans tous ses films. Le père cherche sa place dans l'univers et pour cela, il est prêt à renoncer à son humanité. Il abandonne sa famille dans une quête égoïste qui va le mener nulle part. Sa place dans l'univers, il l'a déjà trouvée et son fils est là pour le lui rappeler.
Ad Astra, c'est donc plus un drame qu'un film de science fiction. Tout du moins, ce n'est pas de la science fiction comme on a l'habitude de voir, avec une histoire vue et revue de premier contact entre l'espèce humaine et une vie extra-terrestre. Ne vous attendez donc pas à voir débarquer des aliens sur Terre, sinon vous serez déçu. Ad Astra ce n'est pas 2001 l'odyssée de l’espace, ni Rencontre du troisieme type, ni E.T., ni Premier Contact. Ad Astra c'est un drame famillial qui se déroule tout simplement dans l'espace, rien de plus !
Là où on pourrait rapprocher Ad Astra de 2001 l'odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, c'est dans sa direction artistique, visuelle et sonore. On y retrouve les plans du vaisseau qui tourne, la musique lancinante, la lumière blanche par moment agressive ... et les singes de laboratoire enragés qui sont de toute évidence un hommage de plus à 2001. Par contre, si Stanley Kubrick est un homme profondément nihiliste, James Gray quant à lui est un humaniste.
Si certaines scènes du film sont bluffantes de réalisme, d'autres posent problème d'un point de vue scientifique. J'ai noté plusieurs aberrations dans le domaine de la physique, surtout vers la fin du film, à commencer par la présence de pistolets dans le vaisseau, la représentation de Neptune qui semble être bien trop petite, le bouclier pour traverser les anneaux, mais le comble du comble, c'est la fusée qui est sur le point de décoller et Brad Pitt qui parvient à y rentrer tel un ninja juste avant la force de poussée finale.
Brad Pitt porte littéralement le film sur ses épaules, jusqu'au bout ou presque. Rien à redire sur sa performance, si ce n'est sa réaction sur la fin, lorsqu'il se retrouve face à Tommy Lee Jones. Les retrouvailles entre le père et le fils sont trop vite expédiées et ça manque d'émotion. Et puis, on a aucune précision sur ces soit-disant jets d'antimatière, trop vite mis de coté au profit du rapport père-fils. Pareil, je ne reviendrai pas sur son retour au vaisseau ... mais sérieux, le bouclier pour traverser l'anneau de Neptune, ce n'est pas possible. Il manque probablement une demie heure pour boucler correctement les enjeux dramatiques et pour étoffer un peu plus les personnages du père et de sa femme (Liv Tyler) ...
Les thèmes de prédilection de James Gray sont la famille et les relations sociales. Tous ses films, quel que soit le genre, le film de gangsters (Little Odessa et The Yards), le film noir (We Own the Night), le film d'aventure (The Lost City of Z), le drame sentimental (Two Lovers), le drame familial (Armageddon Time) ... tous tournent autour de ces deux thèmatiques. Le genre abordé n'est qu'un prétexte pour développer les sujets qui lui sont les plus chers.
Le sujet ici n'est pas l'exploration spaciale, mais la solitude du fils dûe à l'absence du père et la vanité du père dans sa quête de vérité entrainant folies meurtrières et perte de sens. Le film aborde aussi l'héritage du fils, qui ressent la même solitude que son père, le même besoin de repousser ses limites, répétant toutes les erreurs de son père, avant de s'en détourner. Il prend conscience qu'il y a d'autres priorités, à savoir retrouver ses proches.
Il manque pourtant une certaine puissance au film, un manque de scènes spectaculaires comme il y en avait dans le Interstellar de Christopher Nolan, mais c'est un film qui m'a vraiment touché au niveau émotionnel. Ce n'est certainement pas le meilleur film de James Gray, mais c'est du très bon James Gray. Un chef d'œuvre ? Non. Un très bon film ? Assurément. (7.5/10)