L’anomalie de ma ludothèque
Dokkan Battle (Android, 2015)
Pourquoi je m’y suis mis ?
Les jeux mobile et moi, ça n’a jamais vraiment fonctionné. J’ai acheté mon premier smartphone fin 2015, ça partait mal. J’ai testé quelques Tower Defense, un truc marrant mais hyper simpliste appelé Roundy Pop, et voilà. Pas question de mettre un centime dans tous ces trucs, tant je trouvais le jeu sur mobile contraire à tous mes principes, par exemple sur le mode freemium et les micro paiements. Un jour, j’ai vu un pote jouer à Dokkan Battle. Il a supposé que j’y jouais déjà moi-même, vu que j’étais le plus gros fan de Dragon Ball qu’il connaissait. J’ai répondu que ça faisait aussi de moi un gars ultra exigeant au niveau des jeux vidéo de la licence. Et que du coup, je trouvais pas mal de trucs assez nuls (tout à part
Super Butoden 2 et
Budokai 3, en fait, même si je n’ai pas testé certains titres parmi les plus reconnus). D’ailleurs, voir un Yamcha tout bidon ramasser des boules de couleur pour lancer une animation pas ouf du tout, on ne peut pas dire que ça m’ait convaincu. Pendant plusieurs mois, j’ai oublié l’existence de Dokkan, jusqu’à cette fois où sur
Total War Warhammer, les temps de chargement interminables et l’impossibilité de passer plus d’une heure et demie dessus par jour m’ont fait revoir ma copie. J’avais besoin d’une expérience plus rapide, plus immédiate et moins prise de tête. Je me suis rappelé de mon pote, qui squattait son téléphone en le regardant à peine, tout en bossant et en discutant. J’ai installé Dokkan Battle, et tous mes principes durement acquis ont volé en éclats.

Pourquoi j’ai aimé ?
Autant l’annoncer direct : si Dokkan ne se basait pas sur la licence Dragon Ball, je ne l’aurais même pas installé sur mon phone. Et quand bien même je l’aurais installé, j’y aurais joué dix minutes avant de le virer. OK, le gameplay comporte quelques subtilités, mais il brille surtout par son manque d’intérêt. Se composer une équipe de six personnages qu’on envoie avaler des boules de Ki d’un plateau ultra simpliste pour lancer leurs attaques, on a vu mieux, même pour une appli mobile. On a aussi vu mieux pour l’immersion dans l’univers DB. Cela dit, ça participe peut-être au succès du jeu, puisqu’on peut lancer ses parties en utilisant environ 3% de ses capacités intellectuelles. Bref, j’ai toujours trouvé étrange qu’on embarque six combattants dans chaque stage à farmer ; ça ne colle pas à l’esprit du manga, où l’on voit très rarement ce genre de coopération (surtout quand on envoie ensemble Krilin enfant avec Janemba et Goku époque GT, par exemple). Moi je voulais voir mes gars s’empaler l’un après l’autre contre le méchant, comme dans les bouquins, c’est plus drôle.

En plus, il faut choisir un leader parmi eux pour donner à nos guerriers des stats potables, afin qu’ils ne se fassent pas massacrer dans les événements les plus difficiles. Et selon les catégories auxquelles appartiennent les persos, impossible de trouver de second leader, gracieusement prêté par les autres joueurs via une liste ultra mal foutue, avec un bouton “update” qui ne sert à rien. Parfois, même le premier leader n’existe pas, vu qu’il faut le récupérer soi-même à l’aide d’un système de loterie que j’évoque juste après. Tous les autres niveaux ne proposent aucun challenge, à part celui de garder son calme lorsqu’on doit répéter l’opération des dizaines de fois, soit pour choper des médailles qui permettront de faire passer un perso à un stade supérieur, soit pour farmer assez de copies d’un même combattant pour l’améliorer en bonne et due forme. Vous ne captez pas de quoi je parle ? Pas grave, ça n’a aucune importance pour vous, vu que vous n’y jouerez jamais.
Mais ce qui fait tout le sel de Dokkan, ce sont les invocations ! Autrement dit, des phases où l’on tente sa chance pour récupérer des personnages parmi les plus cool et les plus puissants. De bons leaders d’équipes, pour la plupart. Elles utilisent la ressource payante du jeu, et si on arrive à court de ces précieuses Dragon Stones (qui a déjà vu ces trucs une seule fois dans DB ? Jamais, exactement), et si on n’a pas reçu assez de dopamine pour passer une journée sereine, il faut faire un petit tour par la boutique ! La plupart du temps, on finit juste plus frustré que satisfait, vu que la probabilité de récupérer ce qu’on veut reste très faible. À moins de vraiment, mais vraiment dépenser beaucoup de fric.

Beaucoup d’autres joueurs se trouvent dans ma situation. Des gens qui adorent la licence Dragon Ball, et qui jouent à Dokkan juste pour ça, et certainement pas pour le jeu en lui-même. Les développeurs l’ont bien compris. DB fait vendre, peu importe la manière dont on le propose aux clients. Dokkan adhère à cette théorie à 9000%. Depuis des années, le studio Akatsuki fournit le minimum d’efforts pour mettre le jeu à jour, puisque les fans aveugles comme moi continuent à nous y connecter avec entrain. Dokkan pourrait avoir beaucoup plus la classe, si des gens tout aussi passionnés que la communauté bossaient dessus, et pas juste des requins cupides. Mais faute de mieux, on se contente de ça, de son système d’ami leaders complètement pourrave, de mécaniques qui n’ont pas évolué depuis 2016, de modes de jeux qui rajoutent une durée de vie de la manière la plus superficielle possible, et des personnages sur-représentés, que l’on voit et revoit partout, tandis que d’autres n’existent toujours pas.

On finit par tirer une certaine fierté d’appartenir à ce groupe de joueurs, tout aussi désabusés qu’heureux de passer un peu de temps sur Dokkan tous les jours. On a appris à se moquer de notre propre condition et de ne plus en espérer grand-chose. On peaufine notre collection (qu’on appelle “Box”) sans passion, mais sans pouvoir s’arrêter non plus. Et si jamais on a un coup de mou, on peut toujours se repasser la musique du menu principal, qui nous rappelle l’époque où on vouait encore un amour inconditionnel à ce brave Dokkan (musique que j’ai mise en off depuis très très longtemps).
Dokkan Battle - Menu/Home Screen
Pourquoi j’ai arrêté ?
Là, ça devient gênant. Je me suis fait la réflexion un très grand nombre de fois. D’une, je n’ai toujours pas réussi à arrêter. De deux, je n’ai jamais raté un seul jour de connexion depuis février 2017. JAMAIS UN SEUL ! Même quand je partais en vacances dans des bleds avec 8h de décalage horaire, je trouvais toujours le moyen de lancer Dokkan pour quelques minutes. Cette appli de malheur m’a causé pas mal d’embrouilles avec ma copine, parce que je squattais trop dessus au lieu d’aller réparer un truc dans la baraque, par exemple. Depuis, j’ai inventé tout un tas de stratagèmes pour rester discret, et faire croire que je n’y joue pas tant que ça. Je n’ai jamais compté, mais j’ai dû mettre plus de mille euros dedans au total, notamment lors d’une période où j’étais complètement accro. Et quand un nouveau portail débarque, je ressens toujours ce petit frisson qui me pousse à dépenser mes Dragon Stones J’ai conscience de perdre mon temps sur ce truc (mais je n’y perds plus mon argent, heureusement), pour une expérience de jeu pas si géniale que ça, en plus. J’ai encore un pincement au cœur à l’idée de laisser tomber mon armada de persos, après tant d’heures passées à les entraîner, les éveiller, monter leur attaque spéciale et leur potentiel… etc. Du Dragon Ball avec un aspect collection poussé à l’extrême, et plusieurs systèmes de progression imbriqués entre eux, évidemment que j’ai plongé dedans ! Dokkan a été pensé pour les gars comme moi, qui peuvent manger la même marque de céréales chaque matin pendant toute leur vie, ou qui chérissent la routine qu’ils se sont créée sur mesure. Ne vous étonnez pas si dans cinq ans, je n’ai toujours pas décroché. Je pense que même les développeurs se lasseront avant moi. Bientôt, la célébration des neuf ans arrive. Et bah voilà, j’attends ça avec impatience, plus encore qu’une extension de fou dans
Total War Warhammer IIII. Ultra moche ? Ouais. Est-ce que j’assume ? Pas trop. Me porterais-je mieux sans Dokkan ? Sans aucun doute. Vais-je arrêter d’y jouer ! Haha, que dalle !
