cinema

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Réalisateur(s): Jeremy Saulnier
Scénariste(s): Jeremy Saulnier
Acteurs: Macon Blair; Devin Ratray; Amy Hargreaves; Kevin Kolack; Eve Plumb
Compositeur: Brooke et Will Blair
Date de sortie: 2013 - USA

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 Le réalisateur et scénariste Jeremy Saulnier s'est fait connaitre avec Blue Ruin, un film de vengeance somme toute assez classique, mais qui se démarque quand même du lot avec son héros fort peu académique. Initialement réalisé avec un budget restreint, je crois savoir que des fonds supplémentaires ont été collectés durant la post-production grâce à une campagne Kickstarter et que le film a en fait été racheté par la filiale Radius de la Weinstein Company pour une sortie mondiale. Bravo donc à Jeremy Saulnier d’avoir toujours cru en lui et d'avoir su faire son trou à force d'efforts soutenus et d'obstination.


Le début de Blue Ruin est brillant, car nous suivons le principal protagoniste du film Dwight (habilement interprété par Macon Blair), avec une longue barbe, de long cheveux et portant des habits crasseux ... le parfait vagabond sans-abri, quoi ! Ce qui est remarquable dans la scène d’ouverture, c’est que le monde des sans-abri est si habilement montré à l'écran. Le vagabond "à la Jésus" de Blair ne se sent chez lui que sa voiture, une vieille Pontiac bleue. Le corps meurtri, les habits crasseux, une bagnole bonne pour la casse, Dwight a le profil parfait d'un sans-abri «pas tout à fait d'ici» ramassé après une altercation.

Les choses deviennent encore plus intéressantes lorsqu’un policier circulant dans une voiture de patrouille, amène Dwight au poste de police. Le problème, si on peut appeler ça un problème, c’est qu’il n’a pas du tout d’ennuis avec la police. En fait, l’agent sait qui il est et veut juste l’avertir qu'un prisonnier en conditionnel vient d’être libéré de prison après plus de vingt ans d'enfermement. Or, ce prisonnier en question Will Cleland, est l'assassin des parents de Dwight. C’est un rebondissement du scénario auquel on ne s'attend pas et qui transforme littéralement Dwight. On passe d'un vagabond assez repoussant, au personnage des plus sympathiques qui a dû endurer une terrible épreuve.

Jeremy Saulnier vous tient en haleine, alors que Dwight décide de se venger. Il se rend donc à la prison le jour où Will est libéré et accueilli par sa famille venue le récupérer. Il suit les Cleland dans sa voiture et tue Will en le poignardant dans le cou avec un petit couteau, lorsqu'ils s'arrêtent à "ce que je crois être" une aire de repos. La famille ne signale pas le meurtre à la police et parvient à nettoyer la scène de crime. Après le coup de couteau, Dwight se rase la barbe, coupe ses cheveux et met des habits propres ... le parfait américain moyen, quoi !

Le principal défaut du film, c'est l'écriture des personnages qui est très superficielle. On sait très peu de choses sur eux. Nous apprenons tout de même que Dwight tue Will parce qu’il croit qu’il est responsable du meurtre de ses parents. Une mise en garde cependant, il y a plusieurs années le père de Dwight a eu une liaison avec la mère de Will Cleland. C’est à peu près tout ce que nous découvrons, d’une réelle importance, sur le passé de Dwight. Le doux Dwight est consumé par la rage et on se demande pourquoi un gars aussi chétif (qui n’a aucun antécédent de violence) commettrait un tel acte de vengeance, puisque nous voyons par la suite que son action met sa sœur Sam et ses enfants en danger. Dwight reconnaît immédiatement son faux pas (que les Clelands exploiteront bien sûr) et emmène sa sœur Sam (Amy Hargreaves) et ses enfants hors de la ville.

Si vous êtes prêt à mettre temporairement en pause votre suspension d'incrédulité, la séquence suivante est tout aussi excitante, alors que le frère de Will, Teddy (Kevin Kolack) aidé d'un ami, tentent d’assassiner Dwight chez sa sœur. D’une manière ou d’une autre, Dwight parvient à s’échapper malgré une flèche qui traverse sa jambe et arrive même à enfermer Teddy dans le coffre de sa voiture. Dwight doit se faire soigner à l’hôpital et on se demande pourquoi il n’y a pas de signalement à la police de la part des médecins, alors qu’ils doivent traiter sa blessure à la jambe. Je suis sûr que tout le monde ne vient pas à l’hôpital avec une flèche à la jambe. Alors certes, Dwight a scié la majeure partie de la flèche, mais comment expliquer qu'ils ne le mettent pas sous surveillance après avoir retiré la pointe ? Bref, Dwight sort de l'hôpital et fait appel à Ben (Devin Ratray), un vieux copain de lycée et accessoirement un fou furieux des armes, qui lui apprend à tirer avec un fusil ...

 
Ben sauve la situation quand il tire à distance dans la tête de Teddy, après que Dwight ait stupidement permis à Teddy de s’échapper du coffre. C'est la scène choc du film et elle fait son petit effet.

Blue Ruin me rappelle beaucoup le premier film noir Sang pour Sang des frères Joel & Ethan Coen. C’est aussi l’histoire d’un homme rongé par la rage et cherchant à se venger. Presque tout le film se concentre sur un personnage traquant sa proie. Ici c'est la même chose et étonnamment, Sang pour Sang souffrait des mêmes maux que Blue Ruin, à savoir des personnage peu ou pas définis et un scénario qui tient sur une seule page.

Jeremy Saulnier a conçu un thriller/film de vengeance astucieux où la tension est palpable. Il sait comment obtenir de ses acteurs des performances de premier ordre et la photographie du film est superbe, digne d'un film des grands studios hollywoodiens. Néanmoins, il perd de vue la nécessité de développer la psychologie et le background de ses personnages. Tous les antagonistes finissent par devenir la pire des caricatures, à savoir des rednecks bêtes et méchants. Et puis, concernant le protagoniste principal du film Dwight, nous n'en savons trop peu sur lui. Au final, Seul Ben (le vieil ami de Dwight) parvient à dégager une vraie personnalité. Peut-être que quelques flashbacks auraient été nécessaires pour étoffer le background des personnages.

Jeremy Saulnier maitrise l'art de mettre en images, alors espérons qu'on lui donne un jour l'opportunité de faire un film avec un budget plus conséquent. Si on lui confie un scénario un peu plus solide, il pourrait en surprendre plus d'un.

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