Film sous influence de Conrad (il rappelera souvent apocalypse now) mais aussi de la propre expérience du réalisateur.
C'est très lent, mélancolique, gris mais très beau. On assiste, avec un réalisme absolu, à la vie dure et morose à bord d'un escorteur mis à mal par le déchaînement et la force des éléments. À bord de cet escorteur, des officiers partageant des anecdotes à propos d'un lieutenant mystérieux et charismatique, tout de blanc vêtu et affublé d'un chat noir, surnommé le crabe-tambour, qu'ils ont chacun connu à des époques différentes, enracinées dans les guerres coloniales françaises, de l'Indochine à l'Algérie. On ne sait pas où ces histoires, racontées sans ordre chronologique vont nous mener, mais on les suit avec intérêt, car le tout est magistralement interprété par un quatuor de valeures sûres du cinéma français (Rochefort cesarisé, Claude Rich, Jacques Perin et Dufilho, également cesarisé pour ce second rôle), la photographie de Raoul Coutard est une des plus belles que j'ai vue, il y a vraiment des passages de toute beauté. Jamais navire pourfendant les vagues déchaînées n'aura été aussi bien filmé.
Il y a également un petit côté mystique qui n'est pas sans rappeler la ligne rouge de Malick, et on notera des connections avec le premier film de Schoendoerffer sur la guerre d'Indochine, la 317 ème section, un "platoon" avant l'heure.
Une fois encore, agréablement surpris par ce cinema profond et ambitieux que la France proposait dans les années 70.