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Réalisateur(s): Jacques Deray
Scénariste(s): Jean-Emmanuel Conil et Jean-Claude Carrière
Acteurs: Alain Delon, Romy Schneider, Maurice Ronet, Jane Birkin
Compositeur: Michel Legrand
Date de sortie: 1969 - France

 

La Piscine est un thriller érotique réalisé par Jacques Deray, surtout connu pour ses films policiers et écrit par Jean-Claude Carrière, un scénariste/dialoguiste assez génial et à la carrière prolifique. C'est le collaborateur de longue date de Jacques Deray, mais aussi de Luis Buñuel, Milos Forman, Louis Malle et Jean-Paul Rappeneau parmi tant d'autres. La contribution de Jean-Claude Carrière est importante ici, car le film brille particulièrement par ses dialogues, peu nombreux mais toujours très subtiles avec de nombreux sous textes et de non-dits. Les dialogues, c'est même presque tout ce qui fait l'intérêt du film, sans oublier bien sûr le magnétisme qu'exerce le couple Romy Schneider - Alain Delon sur le spectateur.

Jean-Paul (Alain Delon) et Marianne (Romy Schneider) vivent heureux dans une villa avec piscine au dessus de Saint-Tropez, jusqu'au jour où Harry (Maurice Ronet) l'ami du couple (et ancien amant de Marianne ? ) et play-boy vieillissant passe avec sa fille de 18 ans Pénélope (Jane Birkin) … et c'est là que les ennuies commencent !

De par sa lenteur, son aspect contemplatif et la quasi absence de dialogues, La piscine n’est pas forcément le film policier le plus accessible de tous, mais c'est très certainement l’un des meilleurs du cinéma français, ou tout du moins un film emblématique des années 60. C’est un drame érotique généralement qualifié de film existentialiste, où l'homme est responsable de son destin. Bien que ce ne soit pas un film parfait, c’est en tout cas une étude étonnamment captivante et intrigante sur la vie de couple, ainsi que sur l’aliénation du monde et de la société (la solitude, l’anxiété, l’amour et la liberté). L’absurdité de l’être et l’insignifiance de la vie nous saute aux yeux ici, ou comment en fin de compte rien n’a vraiment d’importance dans tout ça !

Pour revenir sur la quasi absence de dialogues, entendons-nous bien, ils sont rares, mais ils sont d'une grande importance. Le film ne doit pas contenir plus de neuf ou dix pages de dialogues, mais ils ont tous un impacte très fort sur l'histoire et sur les personnages. Chaque réplique est d'une subtilité folle et en disent beaucoup plus qu'elles ne semblent le dire au premier abord. Elles s'accompagnent toujours de regard qui en disent long sur les non dits ou sur ce qu'ils semblent dire en seconde lecture. Il y a par exemple toutes ses allusions qui ne veulent pas trop en dire sur la possible liaison passée entre Marianne et Harry, sous les yeux interrogatif de Jean-Paul.

Un mot sur l'introduction du film, magnifiquement mise en scène par Jacque Deray, s'impose. Pendant le générique d’ouverture, on voit des reflets de la nature sur l’eau, des images d’oiseaux et d’arbres. Après le générique, la caméra se lève et la surface de l’eau s’avère être celle d'une piscine, à côté de laquelle se trouve un homme allongé et oisif. Bientôt, nous entendons une femme crier "Jean-Paul" et l’homme qui baisse ses lunettes de soleil s’avère être le bellâtre Alain Delon. La femme, Romy Schneider au sommet de sa beauté, traverse la piscine à la nage, vient vers l’homme et ils commencent à s’embrasser avec passion. Le bonheur physique de ce couple presque trop "parfait" pour être vrai, cache en réalité des névroses qui vont éclater lentement, sous la surface de l'eau de la piscine.

Tous le film est résumé sur ses quinze premières minutes, soit vous rentrez dedans soit vous restez à l'extérieur. C'est vraiment un film d'ambiance ou rien n'est dit clairement. C'est au spectateur de deviner les non-dits et de se faire son propre film. Ainsi, La piscine dévoile la face sombre de gens apparemment beaux et heureux, mais seulement en apparence. Jean-Paul s’avère être un écrivain raté dont l’ego fragile cache les aspects bien plus sombres de sa personnalité. Sa femme Marianne est, à son tour, prisonnière de ses émotions et est incapable de se libérer des chaînes de son mari. Harry quant à lui est sociable, beau et riche, mais en réalité toutes ses relations sont insaisissables et/ou supposément mensongères. Personne ne se soucie de lui et personne ne savait qu'il avait une fille, qui plus est, âgée de 18 ans maintenant. Sa fille justement, Penelope est une belle et jeune femme faussement naïve, qui s’élève à sa féminité, mais qui a du mal à rivaliser avec Marianne.

Tous les personnages du film sont pris au piège, comme des bêtes sauvages enfermées dans une cage dorée. Et pour illustrer cela, Jacques Deray les filme derrière les barreaux, les piliers et les fenêtres de la luxueuse demeure. La tension monte irrévocablement dans ce huit clos extérieur autour de la piscine. Jean-Paul espionne Marianne et Harry, car il pense qu’ils pourraient avoir une liaison. Harry espionne Jean-Paul et Pénélope parce que son instinct paternel (vrai ou faux, rien n'est moins sûr) ne peut pas supporter un concurrent. Quant à Marianne, elle aussi les espionne, car elle voit en Pénélope une rivale plus jeune qu'elle, qui pourrait lui voler son amant.

La Piscine est un régal pour nos yeux, une belle photo, de belles personnes, de beaux paysages, des dialogues ciselés et une mise en scène léchée, qui unissent leurs forces pour nous offrir ce chef-d’œuvre du cinéma Français des années 60.

 

Commentaires   

#1 Gringos10 17-05-2022 16:40
"Thriller érotique" ? tu y vas un peu fort ;)
Sinon j'ai toujours du mal avec Deray, je le trouve sans personnalité dans son style; Je ressens trop sur ce film qu'il essaye de se donner une légitimité d'auteur, en tentant d'insuffler une ambiance, de l'ambiguïté, du mystère, et il y arrive quasiment... moins par son talent que celui de son comparse scénariste (Carrière), et du quatuor d'acteurs magnétique.
Tu parles aussi de non-dits, mais je trouve qu'ils sont quand même assez prononcés, ce qui n'empêche pas que le dévoilement progressif des personnalités et l'évolution du comportement des personnages soient réussis.
Il y a aussi une juxtaposition troublante entre la vie réelle et la fiction qui, je pense, a contribué à la justesse et la crédibilité des rôles campés par le duo Delon-Shneider :
- Après avoir été choisi pour camper Jean-paul, l'acteur imposa Romy avec qui il faillit se marier quelques années auparavant, avant de la quitter pour Nathalie.
- Au moment du tournage, Delon est empêtré dans l'affaire Markovic, son secrétaire/garde du corps yougoslave ayant été retrouvé assassiné.

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