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 Attention chef d'oeuvre !

 

L'ascension du haut mal. De David B.
Après Maus, je me prends une autre claque dans la gueule. Cette bande dessinée est une oeuvre majeure du neuvième art, tout simplement. A sa sortie dans les années 90 cette bd fut un choc en France, mais j'étais totalement passé à côté.
Heureusement, j'ai rattrapé ce manque, et l'impact est aussi fort, plus de 20 ans plus tard.

Le "Haut-Mal". Il y a bien longtemps, au Moyen Âge, c'est ainsi que l'on nommait l'épilepsie. Cette maladie mystérieuse qui frappe Jean-Christophe, le frère du narrateur.

L'ascension.. est l'oeuvre autobiographique et cathartique de Pierre-François Beauchard aka David B., qui y relate, comme pour exorciser le mal qui a rongé sa famille, la longue descente aux enfers ou la lente et douloureuse ascension de ce haut mal, que fut la maladie de son frère, l'épilepsie, survenue au milieu des années 60 au sein de cette famille heureuse de provinciaux. Il s'agit de son regard sur les conséquences que les crises de son frère Jean-Christophe entraînent sur sa famille, ses parents tentant coûte que coûte à trouver un remède pour guérir leur fils, allant de désespoir en désespoir, en se tournant d'abord vers la médecine traditionnelle, impuissante, voyant en JC le cobaye idéal aux expériences les plus radicales et dangereuses, puis en se rabattant sur la médecine alternative, qui les fera au fil des années, rythmant leur vie et celle de leurs enfants, rencontrer des charlatans, gourous et illuminés de tout bord. Fafou (surnom de Pierre François), ne croyant pas que l'intervention d'une tierce personne puisse sauver son frère, craignant également de pouvoir être atteint du même mal, et subissant la déchéance physique et mentale de son frère aîné comme un fardeau mais sans vouloir l'abandonner pour autant ("Nous sommes solidaires de Jean-Christophe. Nous sommes malades de sa maladie.”) se réfugiera lui dans son imagination et le dessin, sa production devenant prolifique et salvatrice.
David B. relate son enfance, puis sa jeune vie d'adulte, mêle la fiction, son imaginaire, à la réalité, et ainsi que ses considérations sur le monde des années 70 à aujourd'hui, avec un langage visuel très personnel, très tourmenté, expressif et passionnant.
David B. n'épargne personne dans son récit (à part peut être sa petite soeur qui représente en quelque sorte l'innocence), à commencer par lui-même, et ses pensées haineuses, mais aussi son frère qui lâche rapidement prise, devient violent et se réfugie derrière son handicap, ses parents prêts à se jeter dans les bras du premier guérisseur venu, entraînant les enfants par la même occasion dans un rythme de vie totalement décousu (déménagements à répétition, macrobiotique pour tous, voire adhésion à des espèces de sectes...), Et tous les parasites qui graviteront autour de sa famille pendant des années. Il assimile la malédiction de son frère à un fléau moyenâgeux, ou même à la shoah (de nombreuses références émaillent le récit)pour son côté destructeur, acharné, impitoyable. Son regard sur la maladie évolue avec l'âge, en même temps que sa manière de la représenter, de plus en plus violemment.
L'ascension... C'est aussi la création d'un imaginaire, comme refuge, d'une oeuvre, comme thérapie. On y découvre au fil des pages l'influence sur l'artiste de la littérature (Edgar Allan Poe par exemple) ou des revues fantastiques/ésotériques (Planète de Jacques Berger), de la bande dessinée en N&B (Tardi, Pratt) mais aussi de l'art des estampes japonaises ou des miniatures médiévales. Des influences qui se retrouvent au fil des pages et donnent une patte atypique, chirurgicale et dure, certaines compositions graphiques étant des feux d'artifices d'imagination, de symbolisme, de métaphores et d'expressionisme, l'auteur faisant également fi des perspectives et des échelles pour donner du sens à chaque vignette.
Le tout est narré avec finesse, la complexité des thèmes et l'ambivalence des sentiments sont parfaitement retranscrit sans pour autant que l'histoire ne perde en fluidité. Le pavé que représente ce recueil des 6 tomes parus entre 1996 et 2003 se dévore avec entrain et passion. Une fois plongé dans les méandres de cette histoire de famille, il est difficile d'en décrocher avant d'en avoir vu le bout.
En bref, L'ascension... est une oeuvre primordiale qui dépasse largement le cadre de la bande dessinée.

Quelques exemples de planches pour se faire une idée :

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