Lemmings (Atari ST, DOS, 1991)

La découverte, la passion éphémère et l’oubli prématuré.
Mon meilleur pote avait une sacrée collection de jeux sur Atari ST, n'empêche. Grâce à son frère de cinq ans plus âgé, la ludothèque existait bien avant qu'on sache écrire notre nom, et continuait à s'étendre sans qu'on n'ait rien à demander. Quand on flippait trop des baleines de Bubble Bobble, des morts de Gauntlet II, ou qu'on n'en pouvait plus de crever dans Rick Dangerous 2, on faisait souvent cramer nos derniers neurones sur Lemmings. Enfin, on passait deux ou trois niveaux, et fatalement, on finissait par sacrifier nos petits sujets, fidèles, réfugiés ? Congénères ? Esclaves ? Je n'ai jamais su, oublions. On les flinguait de toutes les manières possibles juste pour se marrer un max. Puis on s'achevait la santé sur cette horreur de Moktar. En toute logique, si on écoute les détracteurs des jeux vidéo devant l'éternel, on a embrassé une carrière de psychopathe par la suite, posant des bombes partout où on le pouvait, et torturant à tout va. J'y ai aussi joué seul, sur l'ordi de mon darron (à Lemmings, pas à Moktar, et puis quoi encore, Seigneur Jésus tout puissant qui êtes aux cieux). Sans mon pote à divertir, j'y allais avec beaucoup plus de sérieux, et j'ai pas mal progressé, avant de buter sur des énigmes me paraissant bien trop difficiles à résoudre pour mon seul petit cerveau. J'ai quand même vécu une période d’addiction assez forte, qui a duré deux ou trois vacances scolaires (douze millénaires en âge de gamin donc), où quand je ne jouais pas, je continuais malgré tout à mettre au point diverses stratégies sur papier pour espérer réussir tel ou tel stage. Je crois avoir aussi dessiné quelques niveaux sortis de mon imagination, tel un hypothétique DLC alors que le concept de DLC n'existait même pas. J'avais même arrêté de jouer au Taipei et à The Incredible Machine, pour rester dans les logiciels Windows 3.1 ! Du moins jusqu'à ce que je sèche tellement que je me lasse. D'autres jeux plus modernes nous appelaient depuis un moment déjà, mon pote et moi. La débilité insondable des Lemmings à dû participer à mon abandon, cela dit.

Réappropriation du jeu
Porter secours à de petits individus dans des endroits de plus en plus tortueux, en leur octroyant des compétences variées qui interagissent directement avec le level design. Trop super ou quoi ? Ce sentiment de satisfaction qui nous réchauffe le cœur lorsqu'on libère suffisamment de ces machins idiots pour accéder au niveau suivant, ça ne court pas les rues. Plus on galère, plus on récolte de dopamine à chaque victoire. Alors on se lance, parfois en sachant tout de suite ce qu'il faut faire, parfois en testant des trucs un peu au hasard, parmi les rôles assignables à nos Lemmings adorés... et parfois en se foirant totalement. Le bloqueur qui empêche ses congénères d'avancer plus loin, le creuseur horizontal, le creuseur vertical, le creuseur en diagonale, le grimpeur aux parois, celui qui pose des marches d'escalier, celui qui amortit sa chute avec un parapluie… et enfin celui qui se fait exploser (sort également réservé aux bloqueurs une fois leur mission accomplie). Pas mal d'options permettent de braver les mille dangers qui guettent nos protégés. Ils rencontrent en effet de plus en plus d'obstacles ou de pièges, sous forme de gouffres, lacs de lave, lance-flammes, parois indestructibles… Sans parler des parcours totalement tordus qu’il faut tracer pour arriver jusqu’à la sortie. Passé un certain stade du jeu, progresser requiert une bonne dose de pré-planification, (dépendant aussi du QI de chacun, mais restons bienveillants dans l'esprit, on fait déjà assez de mal aux Lemmings comme ça). Diminuer la vitesse d'apparition de ces crétins sans aucune volonté peut aider, aussi.

Je trouve les graphismes assez cool pour l'époque. Les Lemmings n'affichent que sept pixels et demi, mais leurs animations m'ont toujours paru très fluides. Quatre ans plus tard, Worms ne faisait pas beaucoup mieux. D'ailleurs, les deux jeux possèdent une atmosphère très similaire, à la fois super drôle et ultra angoissante. Un mélange qui a toujours su dépasser mes attentes de gamin on ne peut plus normal, mais un peu dépressif sur les bords. Les décors auraient presque pu s’interchanger entre les titres. Je viens d'y penser, mais envoyer des Lemmings d'un bout à l'autre d'une casse de voitures abandonnée en évitant les mines et les airstrike, trop cool ou pas ? Faire s'affronter des Worms dans un dédale truffé de passerelles, de crevasses et de toupies enflammées ? Euuuh qui s'occupe de développer ce crossover de fou ? Pardon, je redescends sur Terre. Mais voilà, il existe cent-vingt niveaux en tout, certains se déclinant en plusieurs versions d'eux-mêmes, juste plus difficiles à terminer (moins d'aptitudes à filer aux Lemmings, plus d'individus à sauver… etc.). Les décors alternent entre la terre herbeuse, le désert de roche et de colonnes corinthiennes, le… marbre rose, la fournaise infernale, le monde métallique, ainsi qu'une seule occurrence de forêt, d'enfer sanglant et purulent, et enfin de chaos organique. Grosso modo, quoi. Aujourd'hui, quand je revois les grosses vis en métal avec l’effet de lumière rouge dessus, les câbles recouverts de végétation, les immenses cristaux argentés, ça me fout les poils ! Je déteste cette expression, mais je l'utilise quand même quand l'émotion me submerge. Ceci dit, rien ne vaut la porte en tête de cochon démoniaque qui crache des flammes. Cette madeleine de Proust remplie de pâte à tartiner Milky Way et trempée dans du Candy Up au chocolat qu'elle me refile, celle-là ! Ouhouhouhouhou ! Tout ça pour dire que : ambiance mythique qui transcende le gameplay, qui fait de ce jeu un succès intemporel, et insérez le troisième compliment dithyrambique de votre choix.

Nouvelle plongée dans l’OST
J’ai très peu de souvenirs de la B.O. À tel point que je ne l’ai jamais intégrée à ma méga playlist supra nostalgie vidéoludique. Improbable, quand je repense au temps que j’ai passé devant Lemmings. Pourquoi je ne me rappelle de rien concernant la musique ? Pourtant, même sur Atari ST on y a droit. Sur le 486 de mon père, il m’obligeait peut-être à couper le son. Avait-il branché des enceintes dessus, au moins ? Même pas sûr. On nous gratifie de dix-sept morceaux quand même. En faisant l'impasse sur les reprises d’hymnes ultra connus que je trouve un peu lourdes, le reste envoie de jolis arcs-en-ciel dans mes oreilles. Surtout en version DOS (sur Atari ST, c'est plus compliqué, désolé meilleur pote). Il y a les compos mignonnes, et les autres plus flippantes. Tout comme la DA. D’ailleurs, je crois bien que ça fait enfin vibrer chez moi quelques fibres nostalgiques. Un truc très léger, mais quand même présent. Et qui s'intensifie. YES ! Encore quelques fichiers à rajouter à ma playlist ! Journée réussie. Ah j'ai failli oublier de partager mon préféré. Celui-là, Lemming 2, grosse inspiration pour trouver le nom. Le second titre joué par le jeu, peu importe dans quel stage on se trouve, ça changeait tout le temps vu que grâce aux passwords, on reprenait là où on avait bloqué la veille. Mais franchement, cette ligne de basse prise de folie, ces canalisations rouillées qu'on tape avec une clé anglaise. Et la mélodie tout droit sortie d'un shooter spatial ! Ça ne fonctionne tellement pas que ça aboutit à une merveille. J'adore le début des nineties et leur approche à l'arrache pour tout, en priant que ça marche. Merci les mecs.
Lemmings - Lemming 2
Regrets ou pas ?
Même si ça ne m'empêche pas de dormir, j'aurais bien aimé aller un peu plus loin dans ce jeu ; au moins finir le mode facile, quoi. Et aussi savoir comment passer ce fameux stage où les Lemmings s'écrasent au sol directement dès leur arrivée. Il m'a vraiment rendu dingue, lui. Et la suite ? Elle vaut le coup qu'on y jette un œil ? Je crois que je n'ai jamais su qu'elle existait jusqu'à... bah jusqu'à que je me renseigne cinq minutes pour écrire mon texte. Dommage, parce que contrairement à Worms, Lemmings 2 conservait le même style graphique que le premier. Je me rappelle seulement avoir vu les images d'une version 3D en croyant que c'était le 2, et j'ai aussitôt déclaré la licence indigne de ma personne. Ouais, il m'arrivait parfois de me prendre pour un alpha. Mais seulement face à des abrutis de Lemmings, jamais face à de vrais êtres humains, qui m'auraient aussitôt renvoyé à mon statut de geek victime. Allez, ça fait longtemps que je ne me suis pas senti intelligent, je vais me refaire une partie.
