
je suis enfin parti le voir, j'ai bien cru que je n'y arriverai pas, vu le peu de salles qui le diffusaient...
Un film d'animation de sf aussi ambitieux, et français de surcroit, et il est carrément snobé de la part de plusieurs chaines de multiplex, même en région parisienne, c'est une honte !
Bref passons ce détail, et attaquons fort d'emblée : Mars Express est le digne successeur d'Akira et de Ghost in the shell, rien que ça !
Un authentique chef d'oeuvre de science fiction et il est 100% français !!! Chapeau Mr Périn !
Pour ceux qui ne connaitraient pas cet ovni de réalisateur qui sévit depuis plusieurs années dans le monde de l'animation, il est l'auteur de la série à succès Lastman, de l'intro animé du film Gainsbourg, vie héroïque ou encore de la mini série déjantée Crisis Jung.
Synopsis
En l’an 2200, Aline Ruby, détective privée obstinée, et Carlos Rivera son partenaire androïde sont embauchés par un riche homme d’affaires afin de capturer sur Terre une célèbre hackeuse. De retour sur Mars, une nouvelle affaire va les conduire à s’aventurer dans les entrailles de Noctis, la capitale martienne, à la recherche de Jun Chow, une étudiante en cybernétique disparue. Noctis est leur ville, une utopie libertarienne rendue possible par les progrès en robotique, emblème d’un futur tourné vers les étoiles. Au fil de leur enquête, ils seront confrontés aux plus sombres secrets de leur cité ; ses institutions corrompues, ses trafics, ses fermes cérébrales, et les magouilles des toutes puissantes corporations. Mais des tueurs cyber augmentés ont eux aussi pris pour cible Jun Chow. Aline et Carlos se lancent dans une course désespérée pour sauver cette jeune femme qui, sans le savoir, détient un secret capable de menacer l’équilibre précaire sur lequel repose leur civilisation.
Quand en 2018, Perin et son acolyte scénariste Laurent Sarfati se voit proposer par leur producteur de faire un long métrage Lastman, ces deux là déclinent et préfèrent s'atteler à l'écriture d'un polar noir à l'ambiance cyberpunk. Sous influences inconscientes, qu'ils revendiquent eux-mêmes (Terminator2, demolition man, robocop, minority report, etc...), ils réussissent tout de même à s'affranchir des codes de leurs modèles et à fournir une histoire et un univers totalement originaux, parsemés d'idées toutes plus ingénieuses les unes que les autres, et de petits clins d'oeil que les plus aguerris s'amuseront à repérer (par exemple les panneaux de rues qui rendent hommage aux grands noms du jeux video que sont Yu Suzuki, Eric Chahi et Chris Hülsbeck), sans pour autant tomber dans le fan service facile.
Le monde futuriste décrit par nos deux compères est racé, crédible et diablement détaillé. L'immersion est totale. On plonge dans l'univers avec une fluidité naturelle sans que tout soit expliqué didactiquement à la manière d'un Nolan.
On sent que les scénaristes sont des amoureux de sf, et qu'ils ont fait le film qu'ils auraient aimé voir.
L'histoire narrée est celle d'une enquête de polar noir nous faisant voyager d'une planète Terre en perdition vers un eldorado fictif et aseptisé sur Mars, les humains cherchant encore d'autres planètes à exploiter. Le récit est cru, violent, parfois sordide, mais également saupoudré d'humour et de cynisme (avec une touche bien francophone), les personnages principaux sont ambivalent et torturés, personne n'est tout blanc ou tout noir. Le scénario interroge sans asséner, il questionne sans mâcher les réponses, il aborde des thèmes comme l'expansion humaine et la colonisation, la survie de l'esprit à l'enveloppe charnelle, et évidement la conscience des robots, sans être évoquée une seule fois, l'AI est pourtant le pivot du récit, et tout cela est abordé avec beaucoup de pertinence et de profondeur, sur une durée pourtant très serrée. Mars Express développe les thématiques effleurées dans The creator en deux fois moins de temps et dix fois moins de budget. C'est d'ailleurs le seul regret que l'on pourra avoir, que le film ne dure pas 30 ou 40 minutes de plus, pour approfondir certains persos, ou des branches d'histoires annexes qui auraient encore enrichi l'univers, mais c'est déjà un exploit d'avoir pondu cette œuvre instantanément culte avec un budget aussi ridiculement faible.
La réalisation de Perin est une claque visuelle, aussi à l'aise dans la contemplation que dans l'action, se permettant une sobriété relative en comparaison de ses œuvres précédentes, tout en glissant quelques unes de ses lubies (le body horror notamment) il se lâche dans un climax à la mise en scène d'une intensité folle, ne cesse de surprendre et de s'imposer comme le meilleur au monde dans son style, le digne héritier de René Laloux, dont on ne pourra pas s'empêcher de penser, ainsi qu'à son œuvre maitresse, Les Maîtres du Temps (également de Moebius, co-créateur du Metal Hurlant qui a biberonné Perin) lors du somptueux final, dubitatif mais terriblement planant et poétique.
Si vous aimez la hard SF, empressez vous d'aller voir ce bijou, qui est à mes yeux ce qui est arrivé de mieux dans le genre depuis 20 ans.