Ce que j'ai adoré quand je suis tombé dedans c'était de pouvoir enfin jouer à tous les jeux qui ne m'étaient pas accessibles jusqu'alors pour de basses raisons financières. À l'époque, le marché vénérait la Plaiestéchone, la troidé et l'esbroufe en général. Les jeux Master System qui me faisaient rêver quelques années auparavant n'intéressaient plus personne, donc on les payait 30 francs en dépôt-vente ou en Cash™, et encore moins sur des brocantes totalement désertées par les futurs rapaces spéculateurs. Ce fût le point de départ d'une période d'environ cinq ans vers 1996, de gavage absolu où j'essayais tout ce qui m'avait fait envie, à prix dérisoire. Et comme je suis supérieurement visionnaire, j'ai presque tout lourdé à prix dérisoire également vers 2002-2003, avant les envolées délirantes des prix du rétro.

Le Vectrex à 100 francs, la Jaguar à 150, la 3DO à 120, une nouvelle SNES à 130 pour remplacer celle dont la vente avait financé un achat PC Engine deux ans auparavant, un Mega CD à 200 francs avec une dizaine de jeux, et tous les trucs que j'ai même pas pris parce que pas les sous ni le temps (le Miracle de la NES, d'innombrables Medagrailles en boîte parce que j'en avais déjà une en
loose, les lunettes troidé Master System parce que je les ai vues de l'autre côté de la rue et que je les prendrai quand j'aurai fini mon tour évidemment, mais étrangement elles n'étaient plus là

- une autre époque vous dis-je - et tant d'autres…)
Bref, l'abondance à tarif ridicule a fait de moi un joueur rétro, tout en pratiquant avec assiduité le jeu moderne sur ma vénérée Saturn, puis la Dreamcast, sans renoncer aux vieilleries à côté.
C'était de la pure compensation de l'époque où les jeux étaient rarissimes, ne serait-ce que dans l'environnement commercial : jadis, aucun jeu vidéo au Shopi™ du village, ne serait-ce que pour voir ces boîtes du bonheur il fallait faire 20 kilomètres et aller dans la grande ville qui avait magasins de jouets, hypermarché et boutique informatique. Si peu de temps plus tard, voir une telle abondance devenir abordable était une pure extase.
En lien avec cette perception, il fallait bien sûr avoir le goût du jeu intemporel, des mécanismes ludiques éternels traversant les époques. La magie ludique d'un MineStorm sur Vectrex avec ses bâtons blancs sur fond noir auraient pu échapper à un joueur non compatible avec le rétro…
Un peu plus tard, une autre forme d'adoration fût celle pour les bornes d'arcade. Autre souvenir d'enfance, ces meubles imposants qui poussaient comme des champignons dans les bistrots de tous nos villages, eux aussi peu accessibles autrement qu'en regardant indéfiniment la même démonstration, jusqu'au moment magique où la pièce de 5 francs nous était accordée. Le goût pour le rétro rendait désirables ces merveilles à la maison, et tant que c'était accessible j'en ai profité tant que j'ai pu.
Bricolages permanents, on passe autant de temps à entretenir (= réparer) qu'à jouer mais ça fait partie du plaisir.