Nouvelle critique:
1 - La cité des eaux mouvantes
1970 / Dargaud (1968 / Pilote)
Après avoir été publié en épisodes dans les pages de « Pilote », c’est le premier titre de la série à voir le jour en album en 1970. Une sorte de « vrai départ » de celle-ci. Enfin presque, puisque l’exploration de mondes lointains devra encore attendre le tome successif.
En effet, comme dans « Les mauvais rêves » qui précède cette histoire, l’action se déroule principalement sur la Terre et dans le passé, puisqu’ici c’est à New-York que nous atterrissons, en 1986. Mais il y a néanmoins une importante différence : lorsque Christin invente cette histoire en 1968,1986 est son futur, ce qui crée une dystopie. Celle-ci aura d’ailleurs des répercussions des années plus tard dans la série, lorsque ce futur inventé sera en contradiction avec notre vrai passé et donc celui de Valérian, mais ceci une autre histoire...
Quoi qu’il en soit, ce monde de 1986 n’est pas accueillant : une catastrophe écologique causée par les terriens (86, catastrophe écolo, Christin a eu une prémonition 18 ans plus tôt) a créé un cataclysme météorologique qui porte à la destruction de la planète. Le niveau des mers monte inexorablement, les tremblements de terre, raz-de marée et autres éruptions volcaniques en ont fait un enfer pour les hommes. Les autorités ont lâché l’affaire, tout le monde est en fuite ou essaie de profiter de la situation. C’est le cas de Xombul, à nouveau le méchant de cette histoire, qui s’est télé-transporté à cette époque dans le but de conquérir le monde par ses moyens machiavéliques, que notre bon Valérian va devoir rechercher pour éviter une catastrophe encore pire que la fin du monde !
Le contexte est très intéressant et bigrement avant-gardiste, puisqu’il s’agit, dès 1968, d’une vision moderne de ce qu’on appelle communément aujourd'hui le genre « post-apocalyptique ». En tout cas c’est prétexte à de superbes environnements, comme cette New-York inondée, envahie de plantes tropicales et de gangs qui agissent impunément pour la piller. Ou encore des paysages de western, dans lesquelles Mézières a pu se faire plaisir en piochant dans ses souvenirs, ayant réellement été cow-boy dans l'Utah quelques années plus tôt. Son style dans cet album s’est affirmé, et de nombreuses planches sont déjà superbes.


Cet univers dans lequel se déchaînent les éléments est forcément propice à l’action, le scénario n’en manque pas et il est dense en évènements. A ce sujet il existe deux versions de cette aventure : la version intégrale des 56 planches publiées originellement dans Pilote, et celle de l’album de 1970, réduite aux 48 planches standards suite à des coupes des auteurs. C’est cette dernière que j’avais lu dans ma jeunesse, et je dois dire qu’elle garde ma préférence. Alors que « Les mauvais rêves » était trop court, cette version intégrale de « La cité des eaux mouvantes » me paraît un poil trop longue, et plus adaptée dans son rythme pour une diffusion épisodique.
Il s’agit en tout cas d’un album-clef de qualité, qui est à la fois le premier album de la série et qui décrit la fin d’un monde, sur lequel naîtra celui de Valérian des années plus tard.
Ma note : 8/10
Pour l'anecdote, deux personnalités ont inspiré des personnages présents dans cette aventure :

Sun Ra, jazzman « cosmique » des années 60/70, en rôle de chef de gang flûtiste, rebaptisé Sun Rae.

Jerry Lewis, dans le rôle du savant excentrique, le Pr Schroeder.