Disclaimer : ce texte fait partie des
50 jeux les plus nostalgiques de mon enfance, et ne se considère pas comme test exhaustif du jeu en question. Il se focalise plutôt sur l’aspect marquant et les bons souvenirs liés à sa découverte quand j’étais gamin. Ce n’est donc pas un test à proprement parler, mais plutôt une virée nostalgique à ne pas trop prendre au sérieux.
Abe’s Exoddus (Playstation, 1998)
Type de jeu
Fabuleux voyage chaotique au pays du capitalisme sauvage et de la corruption généralisée. Jamais aussi réaliste que dans la vraie vie, malheureusement pour nous qui vivons dedans.
Premier contact
Chez papa, au début de l’année 1997, on a direct remplacé la Master System par la Playstation, sans passer par la case 16-bits. Sacré bond technologique ! Un matin je jouais encore à
Psycho Fox, et le soir je flippais ma life devant Resident Evil. Bam ! Ellipse métaphysique dans ta tronche, ma gueule ! Puis, le charme de l'Odyssée d’Abe nous a définitivement fait tomber amoureux de la console. Quand la suite, l’Exode d’Abe, a été annoncée l’année suivante, je n’ai même pas eu besoin de le réclamer en cadeau d’anniversaire ; mon père l’avait déjà achetée. Il ne m’a pas attendu pour y jouer ! Sacrilège ! Quel genre de parent ose agir de la sorte envers ses enfants ? En tout cas, il aura fallu un
R-Type Delta survitaminé pour réussir à détourner mon regard de ce joyau inestimable.
Retour sur expérience
À l’heure où le jeu de plateforme perdait du terrain sur à peu près toutes les machines, Abe lui a redonné ses lettres de noblesse le temps de deux titres captivants, au gameplay renouvelé et au level design assez dingue. Le nombre d’options qui s’offrent au joueur donne le vertige, d’autant plus dans le second opus : dialogues plus poussés avec d’autres personnages, prise de contrôle sur de nombreux ennemis ou animaux (et même nos propres prouts explosifs, si si), sans oublier le camouflage, la marche silencieuse, le lancer de projectiles… déjà présents dans l’Odyssée. Notre attachant avatar évolue dans une flopée de niveaux tortueux, parfois sur deux ou trois plans dans le même écran, courant, sautant, roulant, voyageant à travers des tubes ou des téléporteurs, évitant les mines, les scies à viande, et la faune bigarrée qui lui voue une haine sans limites. Tout y est plus grand et plus beau. On parcourt plusieurs régions du monde au lieu de se cantonner à la seule usine du premier jeu. Le système de vies et de continues, héritage un peu obsolète des bornes d’arcade et déjà foutu à la trappe par son prédecesseur, reste abandonné dans l’Exode d’Abe, ce que j’ai accueilli comme la meilleure nouvelle de l’année. Et une fois de plus, le but du jeu nous amène à sauver les congénères d’Abe, les Mudokons, des esclaves exploités jusqu’à l’os (littéralement) par d’horribles industriels véreux. De quoi faire briller les yeux d’un apprenti islamo-écolo-bobo-gauchiste comme moi. Ces pauvres bipèdes mal foutus souffrent désormais de diverses afflictions à prendre en compte pour les mettre en lieu sûr ; de quoi approfondir encore le concept.

Flashback spécial ambiance
Si le protagoniste un peu niais provoque forcément une vague d’empathie chez le joueur (enfin, si vous n’avez pas un cœur de pierre), le titre doit une grande partie de son succès à sa patte graphique (j’annonce ça comme une vérité immuable, mais faites confiance à mon instinct de névrosé de la nostalgie). Ainsi, on traverse divers paysages allant de la gare délabrée à la jungle impénétrable, en passant par des caveaux mystiques et une brasserie morbide (qui broie donc les os des gentils Mudokons pour en faire de la bière, on y vient). Chaque zone oppresse le joueur mieux que l’autre, via des décors statiques absolument magnifiques, faisant l’apologie de la noirceur et la désolation de façon toujours renouvelée. Même inspectés par nos yeux impitoyables d’aujourd’hui, habitués à l’ultra HD et tout le bazar, on tombe à la renverse devant leur beauté intemporelle. Les artistes ont pioché dans le meilleur du steampunk, du post-apocalyptique, mais aussi dans les créations de notre Mère Nature bien aimée, pour donner vie à un univers inoubliable. Les énormes pipelines rouillés côtoient les racines d’arbres millénaires, les longues chaînes de production laissent place à des temples perdus dans des montagnes sacrées. Pourtant, même si on frissonne d’effroi et de plaisir, on se marre aussi. La tronche des bestioles, leurs voix et leurs rires débiles, les messages disséminés tout au long de la partie via des écrans ou des panneaux publicitaires… Il ne faut pas s’attendre à une subtilité de dingue, mais ça fait souvent le job. En tout cas, ça faisait le job dans les années 90 (du coup, je ne suis plus du tout certain de rigoler aujourd’hui à cause de mes souvenirs, ou parce que c’est toujours marrant ; bonne question, tiens).

Réécoute de la bande-son
Non seulement la musique apporte une touche de perfection à l’ambiance, mais en plus, elle possède une intelligence propre ! Enfin presque. Selon les actions menées par le joueur dans un niveau donné (comme fuir des pseudo chiens enragés ou se faire découper par un hachoir mécanique géant), une section plus ou moins rythmée et angoissante accompagne la scène. Ça envoie du lourd quand d’affreux soldats nous tirent dessus, et ça se change en berceuse mystique lorsqu’on s’arrête pour souffler derrière un gros caillou gravé de runes magiques. Parfois, on flirte avec les limites de la musique savante expérimentale, ce qui peut toujours vous faire passer pour très cultivé dans les bons milieux (quels milieux ? Je n’ai pas encore trouvé). Ellen Meijers nous livre un travail remarquable sur tous les plans (elle a d’ailleurs reçu un prix pour l’Odyssée d’Abe et fait finaliste pour l’Exode), qui jongle aussi bien entre les sonorités industrielles, naturelles, matérialistes et spirituelles. Dommage de ne plus l’avoir entendue par la suite, elle n’a pas participé à tant de projets que ça.
Oddworld : Abe’s Exoddus - FeeCO Depot
Moment Nostalgie
Si j’ai adoré explorer le jeu pour la première fois avec mon papa, j’ai encore plus apprécié le faire découvrir à mes petits frères dix ans plus tard. La console avait pris la poussière mais l’Exode d’Abe, pas du tout ! Voir les deux gamins pousser des “Ouaaah” admiratifs à chaque minute, m’a fait avaler une cinquantaine de Madeleines de Proust numériques d’un coup. Je me suis revu à peu près au même âge, fasciné par mes propres aventures vidéoludiques, seul ou avec ma grande sœur. J’ai beau essayer de ressentir cette magie nostalgique en écrivant ces textes, sur fond de playlist gaming vintage de surcroît, rien à faire ! Je n’ai plus qu’à espérer qu’on découvre comment remonter le temps, tant que je suis encore vivant.
Instant le plus stylé
Le mode Quicksave permettait de sauvegarder à un endroit et y revenir quand on mourait, sans passer par la carte mémoire, ce qui économisait un temps fou (car je sauvegardais toutes les trois minutes). Un jour, après deux bonnes heures passées à utiliser le Quicksave, le jeu a planté. Pas moyen de le relancer sans éteindre la console. Quand je l’ai rallumée, aucune trace de ma partie, vu que je ne l’avais pas enregistrée sur la carte mémoire. Saleté de mode Quicksave, il m’a pourri ma semaine.