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Réalisateur(s): John Carpenter
Scénariste(s): John Carpenter
Acteurs: Roddy Piper, Keith David, Meg Foster
Compositeur: John Carpenter, Alan Howarth
Date de sortie: 1988 - USA

Adaptation d'une BD, They Live n'est pas un film à regarder "cerveau débranché", c'est à dire comme un vulgaire actionner des 80's, car c'est justement une des dérives de la société Américaine consumériste et individualiste qui est dénoncée en visant ces multinationales du divertissement qui maintiennent les spectateurs dans l’ignorance à travers des produits formatés et marketés visant à les faire consommer.

La réalisation est parfaite. Tout (et je dis bien tout!) est réfléchi dans le moindre détail pour apporter du poids et de la signification à ce brûlot rageur. Quelques exemples qui me reviennent en tête, mais je ne me souviens pas de tout, seulement que le film est truffé d'images et d'effets de mise en scène pour souligner le message.
- dès le générique, on est au coeur des quartiers pauvres, au milieu des sdf, victimes des inégalités de l'ère reaganienne, les quartiers d'affaires, les buildings, sont en arrière plan, soit flous, soit filmés en contre plongée pour représenter un Eldorado innateignable au plus démunis.
- le bidonville qui accueille les minorités multiculturelles déshérités se nomme ironiquement justiceville.
- le perso principal, ayant quitté sa région ouvrière ainsi que sa femme et ses enfants pour tenté sa chance dans la ville des anges, représente le mirage de la politique libérale colportée par les élites.
- le plan sur l'abri de sdf, à peine détruit, encore fumant, d'où émerge comme seul élément ayant résisté aux bulldozers, une TV diffusant une publicité pour des produits de luxe, est une charge virulente contre ce nouvel outil d'aliénation, opium du peuple, diffuseur de chimères et servant à endormir les masses. (D'où le awake !)
- dénonciation de la réussite à tout prix et du désir de possession aussi, avec les objets symboliques comme la Rolex qui sert à se téléporter ou les raybans qui servent de filtre visuel, des symboles de réussite futiles qui se transforment en outils de résistance.
- le travelling sur les bottes des forces de l'ordre marchant au pas, filmé au ras du sol, puis apparaissant comme une masse déshumanisée, car visages dissimulés par la fumée ou les masques, image à peine voilée de la police comme bras armée et aveugle des élites qui, si elles n'obtiennent pas ce qu'elles veulent par la manipulation, le feront par la force.
- même la longue bagarre, si décriée, a son importance et sa signification. Elle témoigne la mise en valeur du sportif, le culte du corps, mais révèle aussi que la lutte fratricide, exutoire de toutes les frustrations, ne bénéficie au final qu'aux puissants s'offrant un spectacle jubilatoire et décomplexé du haut de leurs tours d'ivoire, pendant que les rêveurs, les dormeurs, s'entre déchirent dans les bas fonds.
Et j'en passe....
Bref le film de Carpenter est une attaque en règle des institutions politiques et cinématographiques, une oeuvre forte et puissante.

Quelques dialogues définissent bien la relation compliquée qu'a toujours eu Carpenter avec Hollywood et en disent long sur sa vision de l'industrie, et pourtant on était encore loin des standards actuels :

« La règle d’or..... c’est celui qui a l’or qui fixe les règles ».

Il est aussi précurseur de films comme Matrix, « they live, we sleep », le slogan du début, renvoie à l'humanité endormie, amorphe, exploitée par une entité qui l'a maintien dans un état de végétation, conspiration visant à transformer les humains en esclaves consommateurs, et un groupe de pirates rebelles essayera d' éveiller les consciences.

Et pour en revenir sur la réalisation, elle est magnifique, une scène résume à elle seule sa richesse, quand le personnage enfile pour la première fois les lunettes, Carpenter convoque toute la puissance du cinéma et de sa grammaire en un passage quasiment muet, où la force de l’image, le montage révélateur, le retour à un noir et blanc originel, dévoilent la vérité cachée derrière les apparences. Encore un écho de cette nécessité de sortir le spectateur de sa torpeur, que les lanceurs d’alerte, les cinéastes , les artistes doivent éveiller.
Quelle claque visuelle ce film, Carpenter est vraiment un géant.

 

matez ça, c'est du grand art !

 

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