cinema

Pochette:
Réalisateur(s): Florian Henckel von Donnersmarck
Scénariste(s): Florian Henckel von Donnersmarck
Acteurs: Ulrich Mühe, Sebastian Koch, Martina Gedeck, Ulrich Tukur
Compositeur: Gabriel Yared, Stéphane Moucha
Date de sortie: 2006 - Allemagne

 

La vie des autres est le premier film du réalisateur allemand Florian Henckel von Donnersmarck et pour un premier film, c'est sacrément impressionnant. Que ce soit niveau mise en scène, écriture et direction d'acteurs, il fait preuve d'une parfaite maitrise. La production du film et ses collaborateurs ne sont pas en reste. La direction artistique qui recrée le Berlin Est des années 1984 est irréprochable, on s'y croirait presque. Quand à la photographie du film, c'est l'autre point fort du film, elle est magnifique et colle parfaitement aux intentions du réalisateur.

La vie des autres raconte la folle histoire de l'Allemagne des années 80, en 1984 pour être plus précis ... comme dans le roman de George Orwell, est-ce une coïncidence ? L'Allemagne est alors coupée en deux par un mur et vie sous la pression des différents gouvernements qui se sont succédés depuis la capitulation de 1945. En RDA, la Stasi (police secrète de Berlin-Est) recherche quiconque qui puisse dire ou vouloir du mal à un régime qui s'apparente à une dictature.

George Dreyman (Sebastian Koch) est un dramaturge en couple avec sa muse et actrice Christa-Maria Sieland (la magnifique Martina Gedeck). Celui-ci écrit secrètement sur le régime de RDA, tout en étant sous écoute et espionné au quotidien par l'agent de la Stasi Hauptmann Gerd Wiesler (Ulrich Mühe) officiant sous les ordres d'Anton Grubitz (le toujours excellent Ulrich Tukur).

Le film se concentre surtout sur les agissements de l'officier Gerd, qui s'acharne quotidiennement  sur la vie quasi parfaite de George et sa compagne. On y voit de façon très réaliste comment les écoutes sont mises en place, d'où un rythme très lent, mais qui scie parfaitement au sujet. Pas une seule fois le film ne fait le moindre écart là-dessus, c'est d'un réalisme quasi documentaire. A la limite pourrait-on reprocher au film, le choix du vide grenier comme salle d'enregistrement des écoutes, au dernier étage de l'immeuble où vie George. C'est la seule incohérence qui semble avoir échappé aux conseillers historiens du film, car ça ne m'a pas paru très judicieux si on veut éviter les circulations dans l'immeuble. Personnellement, j'aurais choisi la cave pour un besoin de plus de discrétion.

La vie de l'officier Gerd nous parait très vite très ennuyeuse et la photo du film colle bien à cette idée, sa vie étant grise et terne comme la photo du film. La nuit, après une journée entière d'écoutes, il retourne dans son petit appartement austère d'une barre d'immeuble qui semble être d'après guerre. Il s’installe dans son salon habillé d'une déco inexprimablement terne et triste, mange un repas sorti d’un tube en plastique tout en regardant des reportages sur le monde agricole, puis se couche seul.

A contrario, la vie de George et Christa-Maria est beaucoup plus plus vivante, d'où une photo plus chaude et lumineuse, principalement dans l'appartement où vie le couple. En fait, le contraste est d'autant plus fort, que tout tout le film est d'une tonalité grise (y compris en extérieur) et seul l'appartement de George nous apparait chaleureux. C'est ce que j'ai le plus aimé du film, il montre comment l'humanité peut trouver sa place, même dans les pire moments de l'histoire et ceci dans un tout petit appartement entouré de gris.

Alors que Gerd écoute George et Christa-Maria, il commence à les aimer, voir même à envier la richesse et l'apparente plénitude de leur vie. Par rapport à la sienne de vie, eux semblent vivre dans le parfait bonheur. Peut-être commence-t-il aussi à se demander pourquoi quiconque aurait le droit de connaitre tous les secrets les plus intimes de George, de son impuissance occasionnelle, des infidélités de sa petite amie ou de ses crises artistiques. Dans le même temps, Gerd est mis sous pression, son supérieur Grubitz exige de lui de trouver des preuves de la culpabilité de George pour le mettre hors d'état de nuire.

Je ne discuterai pas plus ici des détails de l’intrigue, car il y a de nombreux rebondissements dans cette histoire qu'il serait dommage de "divulgâcher". Chacun des personnages principaux est entraîné plus profondément dans la lutte que mène George contre le gouvernement. Tous ceux qui gravitent autour de la vie de George, sont déchirés par des conflits de loyauté et d'intérêts personnels. La pression monte sur l'entourage de George pour le livrer aux autorités et le réalisateur sait maintenir le suspense jusqu'au bout.

Le casting est exceptionnel. Sebastian Koch trouve le bon équilibre dans son jeu, entre détachement, sophistication et rudesse. En un instant, il peut basculer d'un état émotionnel à un autre, mais quoi qu'il arrive il est toujours effrayant. Martina Gedeck quant à elle, a le rôle le plus difficile, car elle est secouée de tous les côtés, par son partenaire exigent, par les agents de la Stasi qui tentent de la faire parler et par un ministre de la Culture qui abuse d'elle. Ulrich Mühe quant à lui, c'est la tristesse incarnée. Mais au fur et à mesure des écoute, le personnage s'humanise et le doute l'envahit sur le bienfondé de ses agissements. Il traine son spleen tout le long du film et bizarrement on finit par s'identifier à lui. Devant le film, on se pose tous la même question : "Qu'aurais-je fait moi, si j'avais été à sa place ?" Pour moi, Gerd c'est en quelque sorte "un héros très discret".

Bien qu’il y ait quelques longueurs, toutes les scènes trouvent une justification. L’une des scènes clés du film se déroule sans la cantine de la Stasi, lorsqu'une jeune recrue est surprise en train de raconter une blague sur le premier ministre est-allemand. Grunitz l'ordonne de finir sa blague, puis le menace avant de finir par éclater de rire, mais le doute est toujours permis sur la véracité des menaces. La menace d’être observé plane donc sur tous les individus et à tous moments. Une autre scène clé est l’avant-dernière scène du film, dans laquelle on suit George dans l'Allemagne d'après la chute du mur de Berlin. Il accède à son énorme dossier de surveillance de la Stasi et tout en le lisant, il comprend soudainement certains moments clés de sa propre vie qui n’avaient jamais eu de sens pour lui auparavant (je n'en dirai pas plus pour ne pas spoiler). Quant à la fin, elle est parfaitement trouvée, une fin douce-amère qui nous fait dire : "ça ne pouvait pas finir autrement".

La vie des autres n'est pas un film parfait, il met du temps à démarrer et il y a quelques longueurs durant la première heure du film. Malgré tout c'est un film à voir absolument, pour l'intelligence de son écriture, pour la qualité des reconstitutions et plus encore, pour le souci de véracité historique et psychologique qui le caractérise.

 

Vous n'avez pas les droits pour poster un commentaire