Je découvrais le ciné de Louis Malle à l'occasion d'une triple séance de rattrapage de ce grand réalisateur français un peu oublié.
Lacombe Lucien, c'est l'histoire d'un jeune paysan travaillant à la ville, qui retourne pour quelques jours chez ses parents. Son père a été arrêté par les Allemands, tandis que sa mère vit avec un autre homme. Il rencontre alors son instituteur, devenu résistant, à qui il confie son désir d'entrer dans le maquis. Mais il essuie un refus. De retour en ville, il est arrêté par la police et dénonce son instituteur. Il s'engagera à la suite de cela dans la gestapo.
A une époque où les français avaient été entretenus dans une version officielle et idéalisée de l'histoire selon laquelle le pays dans son ensemble s'était opposé à l'occupant, le film de Malle fut assez mal perçu et jugé provocant. Il fut même accusé d'avoir salit la résistance en ayant légitimé la collaboration. Malle revendiqua une vision neutre et objective, une simple description du sous-prolétariat (terme créé par Marx), cette classe sociale qui n'avait d'autre choix que de collaborer avec les forces de la répression parce qu'elle ne disposait d'aucune culture politique. Ainsi, dans l'esprit du cinéaste, Lucien Lacombe, en s'engageant dans la milice, n'a pas fait le choix de l'idéologie mais celui du confort matériel et de l'ascension sociale.
Louis Malle filme son histoire sans fioritures, et sans manichéisme, son personnage est une coquille vide et le réalisateur ne porte aucun jugement moral, ni ne verse dans le crescendo dramatique. Il décrit froidement l'histoire d'un médiocre dont le contexte révèle la noirceur
Lacombe Lucien constitue l'une des réussites majeures de Louis Malle, qui fait regarder à la France son passé douloureux droit dans les yeux.
La polémique créé par le film fut l'élément déclencheur de l'exile de Malle pour les États-Unis.
Il revint en France quelques films et années plus tard, pour un autre film traitant de l'occupation. Celui ci, bien plus personnel, humaniste et sensible :
Au revoir les enfants. Le film se déroule durant l'hiver 1943, dans une France occupée. Julien qui a 12 ans, fils d'une famille bourgeoise, est pensionnaire au petit collège Saint Jean de la Croix, tenu par les pères carmes. Il retrouve le chemin de l'école sans joie après les vacances de Noël, pour le deuxième trimestre. Une rentrée presque comme les autres jusqu'à ce que le père Jean vienne présenter trois nouveaux élèves. L'un d'entre eux, le jeune Jean Bonnet, est le voisin de dortoir de Julien. En réalité son nom n'est pas Bonnet mais Kippelstein, il est juif. Le récit n'est pas autobiographique mais se base sur une histoire vécue par le réalisateur lui-même et qui le marqua profondément, ainsi que sur la vie du Père Jacques de Jésus, prêtre résistant qui a caché des enfants juifs dans le collège qu'il dirigeait.
Probablement le film le plus beau et bouleversant du cinéaste, Malle sait faire passer l'émotion sans être démonstratif, il fut nominé pour deux Oscars, et remporta le prix Louis Delluc, un Lion d'or et une moisson de Césars.
Un film d'une simplicité et d'une puissance rare.
Enfin, Le souffle au coeur, au contexte moins pesant, mais aux sujets non moins sensibles (maladie, inceste, pédophilie, suicide...).
Le film n'échappa pas aux habituelles polémiques que le réalisateur suscite, mais, et c'est une constante chez lui, son récit est conté de manière chirurgicale et sans jugement moral.
Dans les années 1950, Laurent vit la vie d’un adolescent de 14 ans dans une famille bourgeoise de province. Il est élève d’un collège religieux et participe à un groupe de scouts. Son père gynécologue est souvent absent et Laurent passe son temps à écouter du jazz et à chahuter avec ses frères de 16-17 ans qui le dévergondent. Son plus grand réconfort est sa mère, une belle et jeune femme d’origine italienne, joyeuse mais désenchantée par le train-train quotidien. Lorsque Laurent se voit atteint d’un souffle au cœur qui le pousse à aller en cure, sa relation avec sa mère se resserre plus que jamais.
Le souffle du titre, c'est aussi une allusion au vent, le vent de la liberté. Liberté sexuelle, liberté vis-à-vis de la religion et de l'ordre établi. Liberté d'un cinéaste qui porte ses projets malgré les refus de financement d'obscures commissions.
Le souffle au coeur est très intime, à la limite du voyeurisme. Dans son style habituel, réaliste et direct, Malle traite des sujets complexes, dérange et met mal à l'aise.
Et c'est d'ailleurs ce qui pourra conclure mon avis sur ce "triptyque découverte". Mon premier sentiment vis à vis du cinéaste a été la perplexité devant ce naturalisme de l'image, cette incompréhension de l'immoralité des histoires, mais plus on en voit plus on perçoit les intentions de cet artiste provocant et ambigu, au style épuré mais finalement identifiable et cohérent, chacun de ses films ayant des points communs, des liens et des ambiances troubles, malaisantes mais finalement pures. Fascinant.
Bon après ça je m'attaque à un autre grand nom du cinéma français, Claude Sautet.